Les Pénerfins à travers les siècles
Le varech : richesse de Pénerf
La récolte du varech ou goémon est un revenu important pour les Pénerfins, ce qui amène de nombreux différends avec les villages voisins. Une ordonnance de 1681 attribue à chaque paroisse la jouissance du varech qui naît sur ses côtes. Le goémon recueilli de janvier à mars est destiné à l’amendement des sols. De celui récolté du 1er juillet au 1er octobre, les Pénerfins en retirent la soude qui entre dans la fabrication du savon et du verre. Séché, il est utilisé pour le chauffage.
Un courrier de 1751 montre une intervention des Pénerfins se plaignant auprès de l’amirauté de Vannes des agissements des habitants de Rhuys et de Surzec (Surzur) qui enlèvent leur goémon, et également les pierres qui protégent la côte des assauts de la mer. Le 10 septembre 1785, une pétition des habitants du Tour du Parc est adressée à l’amirauté, déclarant que la fertilisation des terres passe avant la fabrication de la soude. Les Pénerfins acceptent alors que leurs opposants aillent récolter le varech sur le plateau des Mâts, ce qui est impossible à des paysans ne possédant pas de bateaux. L’arrêt de la cour du 11 juin 1786 signifie aux habitants de Pénerf : « de ne pas s’opposer à la cueillette que feront les demandeurs du 1er septembre jusqu’au 1er octobre de chaque année du goémon et varech croissants sur la côte de Pénerf ».
Le conflit du Varech reprend
Au cours du différend qui opposa Pénerf à des communes de la presqu’île de Rhuys, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, nous avons vu que le goémon constituait une richesse pour Pénerf.
En cette fin du XIXe siècle, de nouveaux conflits éclatent, cette fois avec la commune d’Ambon. Le goémon est de nouveau à l’origine de ce différend, pour des motifs économiques, mais surtout écologiques. Ce terme est alors inconnu, il est question alors de préserver le littoral de la commune.
Par lettre 12 décembre 1884, M Le Besque, maire de Damgan, demande au préfet du Morbihan d’interdire le passage des charrettes et l’enlèvement du goémon venu à la côte par suite du dernier mauvais temps, sur certaines parties de la côte. L’ingénieur ordinaire des travaux maritimes, département du Morbihan arrondissement sud, répond que « son service doit uniquement se préoccuper de l’état des côtes. La question des chemins avait déjà été traitée dans un rapport du 20 octobre 1881, l’état n’ayant pas à intervenir dans leur entretien ou leur défense contre la mer. La partie des côtes menacées est comprise entre le moulin de Larmor et la tour de Pénerf. Par un arrêté du 9 septembre 1881, l’extraction des matériaux est interdite entre la tour de Pénerf et le village de Landrezac, afin de préserver les dunes, mais les habitants de Damgan font tout pour amener leurs ruines par des coupures pratiquées tous les 10 ou 15 mètres par les charrettes…
Le maire de Damgan pourrait sous la réserve de l’approbation de monsieur le Préfet, prendre un arrêté imposant aux charrettes chargées de goémon, les seules qui peuvent avoir à circuler sur le rivage maritime puisque les extractions sont interdites, de ne traverser les dunes que sur les rampes d’accès ».
Jean-Marie Le Pallec, maire d’Ambon, réunit son Conseil municipal en séance extraordinaire, le 14 juin 1885, afin d’examiner trois points d’une lettre émanant du Conseil municipal de Damgan. Il s’agit :
- d’inviter Ambon à coopérer financièrement à la construction de rampes sur certains points de Pénerf ;
- d’entretenir dans les mêmes conditions le chemin menant d’Ambon au port de Pénerf ;
- d’instaurer une taxe de péage sur les charrettes allant ramasser le goémon.
Après un débat long et animé, le Conseil municipal d’Ambon répond :
« – 1ère : pour la construction des rampes, les côtes de Damgan-Pénerf n’appartenant plus à Ambon depuis 1824, notre commune n’a plus à contribuer à leur entretien.
– 2e : concernant l’entretien du chemin vicinal, Damgan a volontairement, et dans un but intéressé, faussé la note sur ce point, attendu que la coupe du goémon engrais ne peut être exercée qu’environ 25 jours ouvriers annuellement. Attendu que la coupe du goémon à feu n’est pour ainsi dire pas pratiqué à Ambon. Attendu que le goémon épave, toutes les communes riveraines y ont droit et y vont. D’ailleurs pourquoi Damgan a-t-elle, malgré les protestations des communes voisines, changé la coupe de mai en février, époque où les routes sont moins résistantes qu’en mai. Ambon n’a jamais songé à sa voisine pour entretenir ses routes, pourtant les habitants de Damgan passent obligatoirement par Ambon. Ambon serait donc responsable de l’entretien des chemins des deux communes, tandis que Damgan s’y promènerait à l’aise sans bourse déliée ou à peu près. Le transport du bois de chauffage et de construction, de matériaux de toutes sortes, de boissons nécessaires aux habitants de Damgan, cause davantage de détériorations que le charroi de 25 jours de goémon pour la commune d’Ambon.
– 3e : En cas de droit de péage imposé par Damgan, Ambon attend sa voisine à l’œuvre pour lui rendre la réciproque ».
La délibération du Conseil municipal d’Ambon du 14 juin 1885 est communiquée, par envoi d’un courrier de la préfecture du Morbihan, au maire de Damgan le 17 juillet 1885.
En 1888 une pétition des habitants de Pénerf est adressée au ministre de la Marine et colonies à Paris. Elle réclame que l’enlèvement du goémon, entre le Diben et le moulin du Bile, soit interdit pendant quatre années. Le vice-amiral Conrad, préfet maritime à Lorient, reçoit, le 16 juillet 1888, la réponse du ministre qui précise « qu’il convient d’éviter toute disposition tendant à restreindre ou à anéantir ce principe de liberté qui constituerait un abus d’autorité. D’ailleurs, le décret du 19 février 1884 laisse aux municipalités la faculté d’interdire la récolte du goémon … En ce qui concerne la circulation des charrettes sur les dunes, il appartient exclusivement à l’autorité municipale de la réglementer… Il y a donc lieu d’inviter monsieur le maire de Pénerf ( ?), avant de réclamer toute autre mesure, de prendre un arrêté de police enjoignant aux conducteurs de charrettes à faire suivre à leurs véhicules les chemins battus ». Le 20 juillet cette réponse est envoyée par le préfet maritime au préfet du Morbihan, qui l’expédie à son tour au maire de Damgan le lendemain.
Le 21 février 1891, un nouveau rapport de l’ingénieur ordinaire des Ponts et Chaussées est rédigé. « … Après les tempêtes de sud-est ou de sud-sud-ouest à ouest, les cultivateurs de Damgan et des communes environnantes s’abattent au nombre de 300 ou 400, de nuit comme de jour, sur la côte de Pénerf. Ils recueillent le goémon détaché par la mer, s’acharnent même sur celui qu’elle a épargné mais est resté fixé à la plature, puis entassent ces produits au-dessus de la laisse des hautes mers, au pied même des dunes ou falaises qui, élevées de 0m50 au-dessus de l’intérieur de la presqu’île et des terres cultivées, constituent leur seule défense.
Les charrettes arrivent alors de toutes parts et traversent au hasard le bourrelet à faible relief de la dune ; puis pelles et fourches font leur office. On charge le goémon, on prend le sable pour ne rien perdre de l’herbe, et l’on s’en retourne par une brèche nouvelle, laissant derrière soi des terrains bouleversés et sans cohésion que les vents et la mer entraînent peu à peu. Depuis le point situé à 300 mètres dans l’est de la tour de Pénerf, jusqu’à celui situé à 30 mètres à l’est de la croix de la Folie, la dune est rongée et percée sous les 10 ou 15 mètres de frayés, qui sont autant de portes ouvertes à l’inondation ».
« Le point le plus exposé est la croix de la Folie, mais ce n’est pas à beaucoup près le seul endroit dangereux. Le 1er janvier 1877, les eaux ont traversé la presqu’île de part en part par les villages du Guervert, du Méné et Pénerf même. Les 28 et 29 mars 1888, l’invasion a été plus générale et plus désastreuse encore : la mer a franchi les dunes et le chemin vicinal de Pénerf à Damgan au droit des marais de Saint-Guérin … »
« … Peut-on compter sur la municipalité (maire : M Jehanno) pour mettre un terme à ce régime désastreux ? Nous ne le pensons pas ; composée surtout des représentants des intérêts ruraux de Damgan, elle ne voudra vraisemblablement pas imposer à la majorité de ses électeurs des sujétions qu’ils se refusent à supporter … »
« … Les pouvoirs que lui (autorité municipale) confère le décret du 8 février 1868 sont limités à l’exploitation des goémons de rive, elle ne peut rien en ce qui concerne la récolte des goémons épaves, ce qui rendrait illusoire toute surveillance, en outre, la commune de Damgan n’a pas même un garde-champêtre ».
« Le meilleur remède à apporter à la situation actuelle serait assurément l’interdiction absolue de la récolte du goémon depuis la pointe du Diben jusqu’au droit du moulin de Larmor. Dans un rapport du 31 mai 1888, M l’ingénieur Sigault signalait déjà l’urgence de cette mesure … »
Ce rapport regrette que « … ce service ne pouvant prendre aucune décision, de remonter le bourrelet jusqu’à une hauteur de 2 mètres, de manière à constituer une digue efficace, défendue du côté du large par un perré. De distance en distance, une rampe permettrait l’accès à la plage ».
Les échanges de correspondance continuent entre les différents services. Le 7 juillet 1891, le capitaine de frégate Le Pontois est désigné par le préfet maritime pour présider la commission chargée d’étudier les moyens de protéger le littoral de la commune de Damgan. La composition de cette commission avait été envisagée par les Ponts et Chaussée, avec les représentants des diverses administrations, les maires de Damgan et Ambon, et un représentant de Pénerf « qui nous paraît devoir être Monsieur Le Besque, capitaine au long cours et ancien maire de Damgan ».
Le Conseil municipal de Damgan, du 8 novembre 1891, prie le préfet du Morbihan pour qu’il sollicite la commission départementale pour le classement des 7 rampes d’accès indispensables pour protéger le littoral, la commune étant sans ressource pour empierrer ces voies. Le 1er accès part du Len pour aboutir à un point du rivage entre la pointe du Diben et la tour de Pénerf ; le 2e emprunte le chemin du Len à la côte ; le 3e le chemin du Treutan ; le 4e le chemin du Guervert ; le 5e le chemin de Santi Aga ( ?), le 6e le chemin du Govet, le 7e sera réalisé par le bout de chemin à construire vers le rivage, dans la direction du sud-ouest, à partir de l’extrémité vers Pénerf de la déviation du chemin vicinal.
Il existe un droit d’usage concernant l’appropriation du goémon : le bullonnage. Le goémon appartenant au premier arrivant, chaque participant à l’enlèvement du goémon épave se rend la nuit, ou tôt le matin, sur place pour mettre le goémon en tas. Il le balise ensuite avec des piquets marquant ainsi sa propriété, et il a tout loisir de l’enlever dans la journée avec une charrette, voir parfois avec un chaland qui remonte la rivière. Ce dernier mode de transport permet d’enlever un chargement plus important.
Article de Léon ABILY ( Association Damgan et son histoire ) tiré des archives municipales
j’adore ce type de réactions !!!!
Comme quoi tout n’était pas rose dans l’ancien temps.
C’est digne de clochemerle , mais sans doute vraiment important à cette époque