François Blatrix est un charpentier de marine bien connu dans le Morbihan et c’est lui qui supervise avec entrain et sérieux la restauration du Reder Mor 6.
Comme c’est un professionnel apprécié, un homme passionné et sympathique, il nous est apparu intéressant de le rencontrer en dehors du chantier pour qu’il nous parle de son métier atypique et d’avoir son avis sur notre projet.
Dans cet article, après vous avoir rappelé les exigences de ce métier complexe et parfois difficile, nous vous présenterons cette interview exclusive.
Qu’est ce qu’un charpentier de marine?
Les compétences:
Le métier de charpentier de marine requiert de solides connaissances en matière de charpenterie : il doit maîtriser les matériaux utilisés (propriétés, résistance, dureté…) mais également le travail du bois sous toutes ses formes. Ces connaissances en charpenterie doivent absolument être complétées par des connaissances spécifiques au monde naval.
Le charpentier de marine doit avoir le compas dans l’œil puisque tout est question de volumes et de perspectives en plus de précision. La moindre erreur peut être fatale.
Une bonne forme physique est également nécessaire puisque la manutention des diverses pièces de bois peut nécessiter de la force et le métier peut s’exercer dans des positions peu pratiques. De plus, la profession requiert une capacité d’adaptation assez grande puisqu’elle peut se pratiquer en plein air, dans une zone portuaire ou à quai, même si la majorité des opérations s’exécutent en atelier.
De plus, ce métier nécessite un excellent relationnel et de fortes aptitudes à la communication. En effet, le charpentier de marine travaille rarement en solitaire et doit se faire comprendre par ses collaborateurs et par ses clients. Diplomate et à l’écoute, il sait interpréter correctement les besoins de ses clients. Il doit également se montrer fin négociateur pour pouvoir s’en sortir avec ses fournisseurs et ses clients. (mais tout ce passe bien entre nous:).
Le travail:
Ce métier est donc spécialisé dans la construction navale légère du type bateau de plaisance ou de pêche. Autrefois considéré comme traditionnel, le développement de la restauration des vieux gréements et de l’industrie de la plaisance a beaucoup contribué à la modernisation de ce métier.
Le charpentier de marine réalise les membrures d’une coque et les assemble. Il fixe les bordées sur le squelette de bois et aménage l’intérieur du navire. Mais en premier lieu, il consiste à étudier les plans dessinés par l’architecte naval afin de dessiner un plan simplifié de la coque appelé épure.
Ensuite, il choisit les matériaux qu’il va utiliser en fonction des pièces à réaliser : bois brut, bois moulé, contreplaqué… Selon le travail demandé, il va s’armer d’outils traditionnels du type maillets et ciseaux à bois ou de machines modernes du genre machines-outils.
Une fois les outils et les matériaux choisis, il entreprend la réalisation du squelette de la coque puis s’attèle à la confection des bordées (les parois de la coque) et à leur fixation. Pour s’assurer de leur étanchéité, il utilise la technique du calfatage qui est très prisée pour restaurer les navires anciens.
Après avoir bâti la majeure partie du navire, le charpentier de marine va entreprendre les aménagements intérieurs : mobiliers, cloisons, échelles… La responsabilité de la maintenance de ces équipements lui revient également.
Enfin, son métier est étroitement lié à celui de l’accastilleur, (le spécialiste de l’équipement des bateaux qui s’occupe de leur installation: gouvernails, poulies, accessoires de pont…). Selon l’importance du chantier, la répartition des tâches entre l’accastilleur et le charpentier est plus ou moins importante, notamment en ce qui concerne l’équipement du pont.
Entretien avec François Blatrix:
Bonjour François et merci de nous accorder cet entretien. Vous avez accepté de participer à notre aventure, qu’est ce qui vous a séduit dans ce projet?
À la fois le bateau, un vrai bateau à la fois rustique et sans trop de fioritures et l’idée d’accompagner des bénévoles, comme j’avais déjà fait avec la construction de l’ancien bateau de Jules Verne le St Michel 2 pour « la cale 2 l’ile » à Nantes.
Le choix d’accepter un chantier dépend-il autant des hommes que du bateau?
Je dirais il dépend surtout des hommes, car sans confiance réciproque entre le commanditaire et le charpentier, il n’y a pas de chantier, mais ça on le sait après, c’est à entretenir quotidiennement .
Le chantier se déroule-t-il comme vous l’aviez envisagé? Y a-t-il de bonnes (ou mauvaises) surprises?
Pour l’instant le chantier commence à prendre ses marques, une dynamique est en place, il y a une bonne petite bande pour qui bientôt les notions d’équerrage, de gras, de maigre, de bâbord, de tribord, de fil du bois, d’aubier et bien d’autres, n’auront plus de secrets.
Pensez-vous que le bateau sera remis à l’eau pour l’été 2018?
Ca peut encore être envisagé, pour cela il faudrait organiser un rythme de travail plus quotidien qu’hebdomadaire .
Comment êtes-vous venu à faire ce métier si rare et si exigeant.
La curiosité et l’amour de la mer m’ont amené vers ce monde des bateaux en bois que je ne connaissais pas, et une fois la main attrapée le bras puis tout le reste y est passé.
L’apprentissage a du être long, comment l’avez-vous vécu et que vous a-t-il apporté?
L’apprentissage est permanent, c’est justement ce qui rend le métier passionnant, mais pour parler concrètement après avoir été menuisier de décors de cinéma, j’ai fait une formation à l’AFPA d’Auray puis chez Alain Dubacq à Quiberon et au chantier du Guip de l’Ile aux moines .
Quels sont vos meilleurs souvenirs et les réalisations dont vous êtes le plus fier?
Chaque chantier a son intérêt, mais sans doute le plus beau est le dernier, une construction neuve, « Aliénor » la réplique d’un bateau américain de 1912, sur plan Herreshoff, construit de a à z .
Le fait d’être « itinérant » est-ce un choix de vie?
Je ne suis pas trop itinérant, je préfère travailler dans mon atelier, ce n’est pas toujours possible.
Préférez vous restaurer un bateau ou en construire un à partir de rien, l’approche est-elle différente?
C’est assez différent, la construction neuve a l’avantage d’échapper au côté souvent rébarbatif du démontage, mais la restauration permet de se poser des questions de stratégie , du type comment rentrer dans le budget du client tout en allant au bout des choses .
Vous qui êtes breton et marin, en quoi est-ce important ces restaurations de vieux gréements?
Je suis un immigré accueilli en Bretagne et la conservation navigante du patrimoine maritime me paraît aussi nécessaire que la conservation des menhirs et des galettes de blé noir !
Considérez-vous que vous êtes partie prenante de notre patrimoine?
J’essaye juste d’être à la hauteur des projets que l’on me confie .
Enfin, avez-vous construit le bateau de vos rêves? A quoi ressemble-t-il?
Oui et on recommence quand vous voulez …
Merci beaucoup, et bonne restauration.
Merci à vous, bon appétit !
Pour compléter cet article:
(cliquer sur les images pour arriver sur les liens!)
Voici le site de François Blatrix, qui regorge de photos magnifiques sur son travail:
Voici un portrait de lui paru dans Ouest France:
Voici une vidéo ou il présente son atelier:
Et pour terminer, notre glossaire de termes de charpente de marine:
article très sympathique et instructif!
beau travail